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    Floxytek fait partie des artistes hardtek les plus reconnus d’Europe ; présent sur la scène électronique depuis presque vingt ans, il se produit désormais à l’international. Durant cette interview, il nous relate son parcours, nous parle de sa musique, de free-party, d’underground et de la vie de Dj. Rencontre avec Florian Dauré, aka Floxytek, 35 ans, DJ présent depuis 1998 sur la scène électronique française. 

     

     

     

     

    Découverte de la musique par le hip-hop

    J’ai baigné dans une culture hip-hop des années 93 à 2000, quand j’ai commencé j’écoutais IAM, NTM… Du rap ricain, aussi, beaucoup… J’avais un peu une aversion pour la musique électronique quand j’étais jeune, je trouvais que c’était très ringard, ça faisait très beauf, ça faisait un peu Renaud 19, moumoute, lumière sous la voiture, tu vois un peu ce que je veux dire ? Je ne connaissais pas du tout ce milieu-là, étant issu du hip-hop, c’était vraiment deux mondes qui n’arrivaient pas trop à s’entendre.

     

    L’immersion dans la musique électronique

    La musique électronique est venue un peu par hasard, par des amis à Cherbourg. C’était un off de festival, et expérience faisant, je tombe sur un mur de son et ça a été une espèce de révélation, on peut dire ça. Ça m’a lancé là-dedans : j’ai voulu savoir comment on composait. J’ai acheté des machines en 98, et puis j’ai eu un entretien d’embauche pour un job, à Auchan. Le recruteur me dit « ah je vois que nous avez la musique pour passion, il y a quelqu’un d’autre ici qui écrit des textes apparemment ». Du coup, à un moment où on est ensemble, je demande au mec si c’est lui qui écrit. Ce gars-là me dit « moi j’ai besoin qu’on me fasse des instrus » ; je lui dis que je peux le faire, et il me répond « je t’achète un ordinateur ». Première rencontre et le mec m’achète un ordinateur à 5 000 Francs, 800 Euros aujourd’hui. Au moment où je lui ai écrit son album, j’ai commencé à faire mes morceaux pour la hardtek, et j’ai emmené ça à un disquaire à Caen, qui s’appelait Chrysalide, c’était vraiment un pôle de notre musique en Normandie et en Basse-Normandie. J’lui ai emmené les morceaux, et il m’a dit « j’en veux pas deux, j’en veux quatre ». Et c’est parti comme ça.

     

    Les débuts de la musique hardtek et la nécessité d’allier musique et partage

    Au début j’écoutais beaucoup FKY, Gotek… Mais en fait, la musique qu’on fait aujourd’hui, elle n’existait pas y a dix ans ; c’est nous qui l’avons fait, et par ‘nous’ j’englobe vraiment tout le monde. D’ailleurs Gotek m’a vraiment beaucoup aidé ; après l’avoir rencontré, je suis allé passer une semaine chez lui, à Strasbourg où il habitait là-bas, et musicalement parlant, en une semaine il m’a fait gagner cinq ans. Il m’a beaucoup fait progresser en technique. La musique, égoïstement, tu n’en fais rien. Il y a quelques personnes, dans ta vie, qui te mettent sur les bons rails, au niveau de l’inspiration, de la technique, et c’est ce que j’ai essayé de refaire ensuite, avec Billx par exemple, les gens qui ont gravité autour de moi… J’ai toujours transmis, toujours été dans le partage.

     

     

    Son premier vinyle et l’avènement du numérique

    J’avais déjà mes morceaux en 2003, et ce sont mes potes qui m’ont poussé à les donner à Chrysalide. A l’époque, c’était assez simple. C’était un magasin de disque distributeur, il vendait des vinyles et il produisait également, il avait son label. Tu emmenais tes morceaux, il te disait s’il en voulait ou pas, et si ça lui convenait il te faisait un disque dans la foulée. Il payait la presse, ça devait lui coûter quelques centaines d’Euros, toi tu donnais de l’argent… C’était cool. L’avènement du numérique a quand même grandement desservi le vinyle, la musique que j’écoutais a changé, et le pressage des vinyles, qui était une fin en soi avant, ne l’est plus du tout. Des gens comme Darktek ou Anticeptik sont sortis d’Internet, ce sont des enfants de Youtube.

     

    Le rapport à la musique 

    Ma musique, c’est de l’énergie, de la bonne humeur et du partage. La musique, c’est ma religion. Comme dans le dessin, la photo, le cinéma, on y fait passer quelque chose… Quand je te dis que je me lave avec ça, c’est vraiment ça : j’y mets mes peines, mes joies. Quand ça va, je suis content de faire de la musique, et quand ça ne va pas, je suis content de faire de la musique aussi.

     

    Comment travailles-tu ?

    Avec un Mac, un petit studio maison avec Ableton et mes synthés.

     

     

    A propos de la free-party

    On a écumé les free-parties jusqu’en 2005. La loi Mariani a changé beaucoup de choses dans notre région. On a organisé nous-mêmes nos soirées, on n’était pas vraiment un sound-system mais on était une équipe, un crew. On a mis notre pierre à l’édifice, notre petite contribution pour le mouvement. Puis la free-party s’est un peu ternie, elle est devenue plus compliquée, et au-delà de ça le booking à l’étranger et les soirées organisées et légales se sont développées, du coup j’ai préféré opter pour cette option-là. Pas que pour le plan financier, mais parce qu’enfin on sortait de la boue, il y avait un truc possible pour les gens. Je suis quelqu’un d’ouvert, mais je me dis que ce serait bien pour tout le monde d’être, entre guillemets, en sécurité, dans un lieu où la musique est à l’honneur, les lumières, le son… De communier pour la même chose dans un bon endroit, voilà, que ce soit vraiment cool… Moi j’ai perdu des potes en teuf. Le côté de libre-arbitre de tout un chacun, ça emmène aussi sur des chemins qui sont pas vraiment… Voilà, les plus faibles, on les a perdus. Et puis à un moment c’est tombé un peu en décrépitude ; ce qui devait être une parade au système s’est transformé en une uniformisation des teuffeurs et de la musique. La free-party, on y trouve tous quelque chose, mais si on aime le son, on aime le son, que ce soit dans une salle, dans les bois ou chez soi.

     

    A propos de son crew TEKLICIT

    Je l’ai intégré en 2006 ou 2007, on organisait nos soirées. Je n’ai toujours travaillé qu’avec mes amis ; un de mes plus anciens partenaires de vie, Billy (Billx), c’est vraiment un frère, comme une âme-sœur. On s’appelle quinze fois par jour, on travaille dix heures ensemble… Il a intégré le crew au début ; je précise, c’était vraiment un crew, pas un sound-system, on n’avait pas cinquante kilos de son dans des camions. Il venait du sud, nous du nord.

     

     

    Combiner vie de famille et vie de Dj

    Aujourd’hui je suis marié, j’ai une petite fille, et j’ai déjà des dates quasiment tous les week-ends. C’est toujours un petit déchirement, la vie de Dj c’est pas facile… Tout le monde croit que c’est la folie, mais pour une heure de musique, c’est parfois douze heures de voyage aller, douze heures de voyage retour…Je suis souvent fatigué. J’habite Cherbourg, l’aéroport ne dessert pas dans toutes les villes d’Europe, donc les week-ends soit je prends la voiture et je conduis quatre heures pour aller à Paris, soit j’attends dans un aéroport pour avoir une correspondance. Avec un peu de chance, j’arrive à l’aéroport de la ville qui reçoit la soirée, sinon c’est encore deux heures de bagnole, et puis il faut refaire la même chose le lendemain matin, sans forcément avoir dormi… Pour une ou deux heures de musique, c’est beaucoup de trajet, beaucoup de fatigue, ce n’est pas toujours évident. Pendant treize ans, j’ai été régisseur lumière dans une salle de spectacle, mais c’est très compliqué de cumuler vie de famille, ce travail et les bookings les week-ends, je me tapais des semaines de 60 heures.

     

    Les ambivalences de l’artiste underground 

    Personne ne parle de nous, alors qu’on joue sur les dancefloors de France et d’Europe depuis dix ans. On est clairement vu comme des artistes underground, dans les rouages du management, avec les agences de booking, etc. Il y avait des gens d’autres pays qui s’intéressaient à nous, qui essayaient de pousser un peu pour nous voir sur des festivals, et les mecs ont dit non. Pour eux on est des teuffeurs, alors qu’on est considéré comme des commerciaux dans l’underground ; mais quoi que les gens en disent, on reste une musique underground. Il n’y a aucune major, personne ne nous a signé… On est nous-mêmes les acteurs de notre musique et que ce soit dans les labels, dans le management, dans les organisations de booking, de soirées, etc., personne ne vient nous chercher. Clairement, on est underground. Aujourd’hui, on commence à intéresser des gens. On ne cherche pas à rester underground. Quand Vandal passe au Garorock, on est très contents : qu’il nous ouvre les portes, on attend que ça ! Plaire au plus grand nombre, c’est péjoratif, mais ça ne me pose aucun problème. Tu auras toujours une panoplie de haters qui sont en corrélation avec le nombre de followers.

     

    A propos du succès

    Je m’estime chanceux. Je crois que c’est un peu une philosophie de vie ; déjà s’entourer de gens que tu aimes bien. C’est des rencontres, et puis aussi parce que j’ai travaillé. J’ai bossé, je fais de la musique dix heures par jour, et ça finit par payer. Je comprends bien sûr qu’il y ait des gens qui fassent plein de musique et que ça sorte pas, après c’est un concours de circonstances, moi je suis arrivé à un moment où c’était facile de faire des choses. Ça l’est peut-être un peu moins aujourd’hui.

     

    Floxytek, pionnier de la hardtek française

      

    Le contact avec les publics

    Je pense qu’il y a des leaders d’opinion sur les dancefloors, des gens qui arrivent à ramener de l’énergie. Il y a aussi des lieux qui s’y prêtent vraiment bien. Les publics sont toujours un peu différents, ça dépend également du sound-system : le son joue grandement dans l’ampleur de la prestation. C’est sûr que c’est difficile de lever une salle quand tu as quatre stickers pétés qui crachotent… Il y a des publics qui ne sont pas prêts : en Hollande par exemple, ils écoutent du gros hardcore mainstream, du coup on n’est pas du tout dans le même esprit.

     

    A propos de Bordeaux et de sa scène électronique

    Je viens d’Agen à l’origine, j’ai un peu vécu à Bordeaux ; Toulouse, Bordeaux, c’est un peu chez moi. Je trouve que Bordeaux est l’une des plus belles villes de France. Vous avez de la chance : le Respublica a quand même fait beaucoup pour la musique underground sur la ville.

     

     

    Projets actuels et futurs : Fant4stik et Moontrackers

    Les Fant4stik prennent une grosse partie de mon temps, avec Mat Wessel Busters, Billx et Guigoo. Il y a aussi Moontrackers avec Billx, on a eu notre première date le 9 avril à Avignon ; c’est de la trance progressive un peu badass, dans notre style à nous, et c’était vraiment une super belle date, avec un beau plateau, 10 000 personnes, c’était très sympa.

     

     

     

     

     

    Des conseils à donner à un jeune Dj ?

    Il n’y a qu’une seule valeur sure, le travail. Je ne connais pas autre chose. Après si j’ai un conseil un peu plus technique à donner, c’est de vraiment bosser son kick, de privilégier le drop, d’amener les choses correctement. Il faut penser aux gens qui écoutent, aux gens qui dansent, il y a pleins de choses à mettre en perspective quand on fait de la musique. Je suis à l’écoute, je vois comment les gens réagissent… Quand tu arrives vraiment à communier avec les gens en face de toi, c’est grisant.

     

     

     

     


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