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    Yves Harté a reçu le prix Albert Londres en 1990 ; il a couvert de nombreux conflits et est rédacteur en chef du journal Sud-Ouest depuis 2008. Il nous parle de sa carrière, prodigue ses conseils aux futurs journalistes et revient sur des bouleversements historiques du XXe siècle ; rencontre avec un grand nom du journalisme néo-aquitain.

     

     

     

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    Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours ?

     

    Je suis né en 1954, dans les Landes. J'ai fait un parcours relativement classique : bac, puis fac de lettre. Je n'avais pas vraiment l'idée de devenir journaliste, c'était quelque chose d'extrêmement vague dans mon esprit, mais je lisais beaucoup la presse dans son ensemble. Je lisais aussi beaucoup sur le sport, et énormément d'auteurs américains des années 30, Dos Passos, Steinbeck... J'avais donc un mélange d'appétance pour le genre littéraire et pour l'autre. Un jour, j'ai tourné dans un feuilleton télé, parce que je faisais du théâtre ici à Bordeaux. Cela m'a amené à rencontrer quelques scénaristes, et l'un d'eux, journaliste de sport, m'a conseillé d'écrire. C'est comme ça que j'ai commencé ; à l'époque on n'avait pas besoin des écoles de journalisme pour devenir journaliste. En revanche après j'ai fait une formation complémentaire, “sciences du langage et communication”, et très rapidement j'ai fait des stages. Huit jours après que j'ai démarré mon premier stage, dans le Gers où à l'époque Sud-Ouest avait un bureau, il y a eu des innondations catastrophiques, causant onze morts : je me suis donc trouvé en relation directe et immédiate avec un fait divers important. J'ai continué à Cognac, où j'ai été remarqué par Pierre Veilletet, qui est décédé maintenant et était rédacteur en chef de Sud-Ouest dimanche. C'est lui qui m'a fait commencé à travailler, et c'est comme ça qu'en l'espace d'un an et demi, deux ans, je suis passé de stagiaire à un poste en C.D.I à Mont-de-Marsan.

     

     

    Quelles ont été les personnalités qui vous ont inspiré au cours de votre carrière ?

     

    Beaucoup de monde. À mes débuts, je connaissais la signature de Veilletet, j'avais beaucoup d'admiration pour lui car je m'intéressais aussi beaucoup à l'Espagne, et il avait été envoyé par Sud-Ouest pour couvrir la fin de la dictature franquiste en 1975. Je lisais également beaucoup Le Monde, et le journaliste Jean-Claude Guillebaud, qui à l'époque faisait un très beau reportage intitulé Les confettis de l'Empire, m'a marqué. J'adorais également le journaliste Denis Lalanne, pour qui j'avais beaucoup d'admiration. Enormement de journalistes m'ont inspiré... Je vais vous en donner un dernier : Jonathan Randall, qui a fait son dernier reportage pour le New York Times, et qui m'a beaucoup appris de la rigueur anglo-saxonne sur le terrain. Par exemple : quand vous êtes prêt d'une zone de combat, il faut toujours laisser la voiture dans le sens de la marche, et jamais en marche arrière ; ces détails, comme recouper l'information au moins quatre fois, avant de la considérer comme pratiquement sure, sont primordiaux.



     

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                                                                                                                 Pierre Veilletet 

     

     

     

    Vous avez obtenu en 1990 le prix Albert Londres ; selon vous quelles sont les caractéristiques du bon journalisme ?

     

    Je pense qu'il y a des invariants. Le bon journalisme traverse les siècles et il était à peu près le même que ce qu'il était à l'apparition du journalisme indépendant. Il est devenu un peu le journalisme le terrain : il doit avoir un regard indépendant, et fonctionner comme une oeuvre littéraire spécifique, extrêmement éphémère et efficace. Il y a une citation qui dit : “les journaux ne sont pas là pour être lus, ils sont là pour être vendus, et un journaliste n'est pas là pour écrire, il est là pour être lu” ; c'est très vrai. Malgré cette formule un peu abrupte, cela n'empêche pas qu'il y ait une forme de vérité ; mais être lu ne veut pas dire ne pas écrire, au contraire. Il faut être accessible, et cela nécessite une véritable technique d'écriture, quelle que soit la situation dans laquelle vous vous trouvez. Ces deux conditions, l'indépendance du regard et la clarté d'expression, sont valables je pense pour tous les médias : une voix doit être accessible, de même qu'une présentation physique. Tout ce qui obscurcit s'oppose au journalisme.

     

     

     

    Rencontre avec Yves Harté, grand reporter et rédacteur en chef de Sud-Ouest



     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pourriez-vous nous parler un peu de votre série de reportage sur la chute du mur de Berlin, qui vous a valu le prix Albert Londres ?

     

    Il n'y avait pas que ça. En mars 89, il y a eu un événement qu'on a beaucoup oublié, alors qu'il était d'une importance déterminante géopolitiquement, et donc on subit encore les conséquences aujourd'hui : les derniers soldats russes quittent l'Afghanistan. C'est cette année-là que j'avais demandé à pouvoir aller en Afghanistan ; j'ai fait les premières grandes batailles d'une guerre civile qui après le départ des soviétiques a opposé les afghans entre eux, notamment les moudjahidins et les communistes. La reconquête par les moudjahidins démontrait déjà des tendances extrêmement dures. L'été 89, après que je sois rentré, Veilletet m'a dit qu'il se passait quelque chose d'étrange en Europe, des mouvements de populations très importants, certainement les plus considérables depuis la dernière guerre mondiale : les gens fuyaient l'ensemble du   bloc communiste. Par exemple en Roumanie, où j'avais déjà réalisé un reportage sur les centres agro-industriels en  88, des roumains essayaient de fuir vers la Hongrie ; c'était  le premier déplacement. Le second déplacement, ça a été la grande épuration des bulgares qui a jeté dehors 300 000 bulgares ayant des origines turques. Et il y avait enfin, en      cet été 89, le premier exil des allemands de l'est qui, par la     Hongrie, partaient et passaient jusqu'en Autriche puis en Allemagne de l'Ouest. Donc j'ai fait des reportages dans tous les pays où les populations fuyaient ou dans les pays qui les recevaient ; je n'ai pas pu revenir en Roumanie car j'y étais interdit de séjour, mais je suis allé en Bulgarie, en Turquie, en Autriche et en Allemagne. En Allemagne de l'Est, peu de temps après mon arrivée, Gorbatchev est venu délivrer un message, par cette phrase sybilline : “ceux qui ne prennent pas les trains restent à quais”, ce qui signifiait qu'il fallait absolument prendre le train de la glasnost qu'il avait initié en Union Soviétique, et que l'Union Soviétique n'interviendrait pas pour protéger l'Allemagne de l'Est si jamais il y avait des rétractations. Ça a produit des manifestations ouvertement anti-communistes ; tous les journalistes ont été foutu dehors, nos visas n'ont pas été renouvelé. Je suis resté en contact avec des amis avec qui je m'étais lié en Allemagne de l'Est, qui m'ont dit que le mur n'allait pas durer. Je suis arrivé le 9, et le mur est tombé le jeudi ; ou plutôt une barrière s'est levée, dans la plus grande des confusion, puis la foule était devenue tellement énorme qu'il a fallu ouvrir les artères. Il y a eu des mouvements similaires en Tchécoslovaquie, et on y est parti aussitôt pour assiste à la même chose, à la chute du mouvement communiste. C'est pour cet ensemble d'écrits et de photos que j'ai reçu le prix.

     

     

     

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    Quels conflits avez-vous couvert exactement ?

     

    Le premier était le Liban, puis l'Afghanistan. Dans les années 89-90, j'ai écrit sur la déflagration de la chute du mur et de la fin du communisme, qui a entraîné des réactions en chaîne, très rapide ; la première des réactions a donc été en Afghanistan dont j'ai parlé. Aussitôt après ça a été la désagrégation de la Yougoslavie, donc l'ensemble des conflits qui ont opposé la Serbie et les nostalgiques d'une grande Serbie comptant la Croatie, la Slovanie, Sarajevo, les Balkans... Après il y a eu la première Guerre du Golfe, d'une bizarrerie absolue, puisqu'on était sur place, à l'hôtel, hôtel qui pouvait très facilement se transformer en prison dorée pour journalistes si jamais ça tournait mal ; on s'en était aperçu un jour, il suffisait de fermer deux grandes portes et tout le monde était enfermé dans une enceinte. Ils nous ont mis dehors après deux ou trois jours de bombardements américains. Mais ensuite, ce qui a été le plus intéressant et dur en termes de conflit, ça a été le Kurdistan. On est allé avec les troupes du PDK, pratiquement jusqu'au centre de l'Irak, au bord des frontières kurdes ; nous avons du partir suite à une contre-attaque de Saddam Hussen, c'était chaud.

     

     

     

    Rencontre avec Yves Harté, grand reporter et rédacteur en chef de Sud-Ouest



     

     

     

     

     

     

     

     

    Lequel des conflits que vous avez couvert vous a le plus marqué, tant humainement que journalistiquement ?

     

    Honnêtement, tous. Je me souviens des rencontres avec des gens que je n'ai jamais revu, qui m'ont aidé ; des fixeurs, des traducteurs... Après, celui qui m'a peut-être le plus marqué, celui qui a été le plus intéressant et le plus formateur pour moi, ça a été le Kurdistan. D'une part on n'était qu'une poignée à pouvoir y entrer, on était neuf journalistes. On a vécu la dernière victoire de l'écrit sur le numérique émergent, puisque lors de cette première guerre du Golfe on a découvert également la puissance des satellites, qui n'existaient pas avant. Les américains les avaient utilisé pour la première fois en Irak, à Bagdad ; on s'était dit que maintenant on pouvait transmettre de partout, en un coup de téléphone au journal. Sauf que quand on est arrivé en Irak, on avait oublié un détail : les américains drônaient toutes la zone et les balises satellites ne servaient plus à rien. Pour les photographes et les télés, c'était un drame, ils se sont débrouillés à partir des émissaires, mais ça mettait très longtemps. Quant à nous, les journalistes de presse écrite, les Kurdes nous ont proposé d'écrire nos papiers de manière très lisible, à la machine ou en lettres capitales, afin qu'ils les récupèrent dans la nuit et les transmettent par fax à nos rédactions. Le mec partait d'Erbil jusqu'à la frontière iranienne qu'il franchissait, il arrivait dans un bureau iranien à la frontière, les Kurdes d'Iran faxaient nos papiers au bureau de Londres, et le bureau de Londres les renvoyait. C'était incroyable, et tous les papiers sont arrivés ! Pour le Guardian, pour le New-York Times, pour Wall Street Journal, Sud-Ouest, Libération... C'était incroyable.



     

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    En termes d'attitude journalistique sur un terrain de conflit, comment s'y prend-t-on pour assurer une information correcte, pas trop biaisée, sans mettre en péril sa vie ? Est-ce que c'est possible ?

     

    Oui, c'est possible, même s'il y a toujours un risque. Après je ne connais pas les règles et la réalité des guerres aujourd'hui ; ce que j'en sais, c'est que c'est beaucoup plus compliqué. J'ai connu très peu de guerre où il n'y avait pas de ligne de front, ça commençait mais c'était une minorité. Aujourd'hui il n'y a plus de front, on ne sait plus où commencent les combats. Et ça c'est quand même quelque chose de très nouveau. On ne sait plus d'où ça vient, on ne sait plus exactement dans quel territoire on se trouve... ça rajoute considérablement au danger.

     

     

     

    Rencontre avec Yves Harté, grand reporter et rédacteur en chef de Sud-Ouest

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Donc vous pensez que la dynamique que vous aviez mis en place quand vous étiez reporter de guerre ne pourrait plus être applicable aujourd'hui ?

     

    Il y a des règles qui demeurent. Par exemple, avoir une totale confiance dans le groupe avec lequel on part et dont quelqu'un a pu nous certifier le sérieux. Toujours savoir pourquoi et selon quelles sources les gens parlent, de manière à ne pas tomber sur des gens plaidant pour une cause, le risque étant de rapporter des considérations idéologiques et de tomber dans la propagande. La propagande est très difficile à éviter, parfois c'est même impossible ; mais il faut toujours le garder à l'esprit.

     

     

    Comment fait-on pour vérifier que l'information donnée est fiable?

     

    Tout dépend de l'information qu'on cherche. S'il s'agit d'expliquer la nature de conflits, la thématique, si on cherche des témoignages, c'est... J'allais dire "simple" ; non, c'est compliqué, mais vous n'avez pas de travail d'enquête à faire. Là où c'est plus dangereux, c'est quand il faut enquêter, avoir une approche de reportage et une approche d'enquête. Ça prend plus de temps, il faut rencontrer des gens, avoir des contacts précis... Le plus dangereux est là.



    Vous êtes rédacteur en chef de Sud-Ouest depuis 2008. Comment décririez-vous la ligne éditoriale du journal ?

     

    Elle n'a pas beaucoup changé depuis la création du journal, mais elle a évolué et épousé son temps. Elle reste tout de même à peu près fidèle aux valeurs qui ont toujours guidées Sud-Ouest, fondé après la guerre sur des principes hérités de la social-démocratie et de la démocratie chrétienne, puisque Sud-Ouest était l'émanation du M.R.P, parti de centre-gauche humaniste disparu en France aujourd'hui, le M.R.P. C'est à peu près cette ligne éditoriale qui prévaut, avec ensuite une véritable appétance, défense et illustration de la région, chose qui aujourd'hui devient un peu plus compliquée car la région a beaucoup évolué.



     

    Les prix Albert-Londres de Sud Ouest: Pierre Veilletet, Jean-Claude Guillebaud,Yves Harté : 3 grands reporters au coeur de l'actualité par [Harté, Yves, Veilletet, Pierre, Sud Ouest, Journal, Guillebaud, Jean-Claude]

     

     

     

    Sud-Ouest est le deuxième quotidien le plus diffusé de France, derrière Ouest-France ; qu'est-ce qui fait selon vous le succès de votre journal ?

     

    On a toujours donné à la fois une information dite générale plutôt de qualité, assez complète, et en même temps une information locale assez fouillée. Cette complémentarité permet d'avoir un journal global, un mass media véritablement, qui peut couvrir l'ensemble des appêtits de nouvelles de toute une population, et qui parle de l'international, du national et du local. Autant vous dire que ce modèle est drôlement secoué aujourd'hui, et je ne sais pas comment il va rester viable, car ce concept global tel que nous le concevions est aujourd'hui exactement l'ancêtre d'Internet.



    Justement, Sud-Ouest a été assez en avance par rapport aux autres quotidiens régionaux sur le numérique : il a été le premier à proposer une offre d'abonnement digital. Comment s'est joué votre position de précurseur à ce niveau ?

     

    Parce qu'on s'y est intéressé assez tôt, à l'occasion du procès Papon en 98, à l'heure où Internet émergeait réellement. Au sein de notre rédaction, un journaliste, parti à la retraite aujourd'hui, avait commencé à monter un embryon de site Internet, seul avec un jeune stagiaire, et puis on s'y était déjà intéressé à partir de 94. Il y avait un intérêt pour ça, et puis peut-être que le fait d'être à Bordeaux a aidé : la ville a été très rapidement tournée vers le numérique, avec des start-ups naissantes. C'est une combinaison de facteurs, et puis après il y a eu une véritable volonté, venue de Patrick Venries, directeur délégué, qui a tout mis en oeuvre à partir de 2005.

     

     

     

    Rencontre avec Yves Harté, grand reporter et rédacteur en chef de Sud-Ouest

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vous avez écrit plusieurs livres sur la tauromachie ; en quoi ce sujet vous intéresse ?

     

    Je me suis toujours intéressé à la tradition taurine très présente dans le sud de la France. C'est une habitude culturelle que j'ai depuis toujours, dont j'ai été imprégné. Il y avait des corridas dans la ville où j'habitais. Ce qui m'a passionné, sans rentrer dans les débats, c'est cette question : comment quelque chose qui est éphémère peut perdurer par son témoignage visuel, et comment ce témoignage visuel l'embellit et le raconte ? Qu'est-ce qui peut rester de quelque chose qui a bouleversé un public entier, sinon ce qu'on en raconte et ce qu'on en écrit ?

     

     


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    Je conclus avec une question classique mais nécessaire : quels sont vos conseils pour un jeune qui ambitionne de devenir journaliste ?

     

    Il faut faire une école de journalisme, et après choisir vers quel média vous voulez vous tourner. Par exemple, le milieu de la presse écrite est devenu compliqué. L'écrit va perdurer, j'en suis convaincu, mais le support papier, je pense, va disparaître, ou deviendra un objet de luxe ou un objet rare, et ne pourra plus être utilisé comme il l'a été, en tant que support de média de masse. De fait, je serais bien embarassé pour vous donner un conseil. C'est à vous, les jeunes, de l'inventer. Après, je conseillerai plutôt de s'intéresser véritablement aujourd'hui aux multimédias. Certes, c'est un genre hybride et difficile, mais il y a des choses à explorer là-dedans.

     

     

     

    Rencontre avec Yves Harté, grand reporter et rédacteur en chef de Sud-Ouest

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    A l'occasion de son concert au Festival ODP dimanche soir, La Féline, alias Agnés Gayraud, a accepté de répondre à nos questions.

     

     

    La Féline : « rassurante et occulte »

     Photo : Adrien Bazoin

     

    Pourquoi ce nom, La Féline ?

     

    Il vient en fait du film en noir et blanc La Féline, du réalisateur français Jacques Tourneur, sorti en 1942. On le décrit comme un film d'horreur, mais c'est plutôt une œuvre psychanalytique : c'est l'histoire d'une femme hantée par la peur de se transformer en panthère et de dévorer les hommes autour d'elle. Je m'identifie assez à l'idée de métamorphose, au contraste entre la surface et la profondeur, à la dualité. C'est aussi un mot facile à retenir et à comprendre dans d'autres langues que le français.

     

     

     

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                                                                                                                       Photo du film La Féline

     

     

    Quelles sont vos inspirations ?

     

    J'en ai énormément. Je peux citer le dernier album de Nico, Desertshore ; les chansons sont très sombres, mais elles ont aussi un aspect berceuse qui me plaît beaucoup. De manière générale, je craque sur une mélodie ; c'est mon côté pop. Il y a également Leonard Cohen, qui démontre qu'on peut vieillir avec sa musique et garder une personnalité rock'n'roll. Adolescente, j'écoutais aussi énormément Kurt Cobain, et j'en ai gardé une empreinte.

     

    Comment définiriez-vous votre musique en quelques mots ?

     

    C'est toujours difficile. Les gens disent que ma musique est douce mais aussi « tripée ». Pour ma part, je la dirais mystérieuse ; à la fois rassurante et occulte.

     

     

     

     

    Que préférez-vous : composer ou jouer sur scène ?

     

    Ce sont deux phases très différentes que j'apprécie, mais c'est vrai que quand j'écris, je pense toujours au moment où je serai sur scène, où je m'adresserai à quelqu'un. Les moments scéniques qui se passent bien ont une intensité supérieure ; l'écrit est plus incertain.

     

    Vous êtes aussi chroniqueuse, et vous écrivez sur votre blog « Moderne, c'est déjà vieux ». Que voulez-vous dire par ce titre ? Vous trouvez notre époque « un peu fatiguée », comme vous le dites dans votre chanson Les Fashionistes ?

     

    C'est assez juste de rapprocher ces deux éléments... En fait ce qui m'amuse, c'est que le modernisme en musique est né dans les années 40, c'est déjà une catégorie ancienne qui a été récupérée par le jazz et la pop. Actuellement, il y a une passion pour le passé, une rétromania qui me fait un peu rire. Je trouve ça insupportable de tout conditionner par la modernité ; il faut être ouvert à ce qui se passe. Donc ce titre me permettait de dénoncer sans agressivité cet aspect de notre société : il ne faut pas se dire que tout a déjà été fait !

     

    Pourquoi appeler votre dernier album Triomphe ?

     

    Là encore, il faut le prendre un peu au second degré. On qualifie souvent ma musique d'indé ; et dans le milieu de la musique indé, les gens font assez profil bas, contrairement au milieu du hip-hop où les artistes s'autoqualifient de « queens » ou de « kings ». J'ai voulu leur emprunter un peu de cette attitude revendicative. Le mot « triomphe » est aussi lié aux dyonisies, les fêtes antiques qui célébraient le dieu du vin et du stupre ; le triomphe, c'était donc la traversée de la ville par les bacchantes. J'ai voulu faire un disque à cette image, extatique, très proche du corps.

     

     

     

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    Comment appréhendez-vous le public bordelais pour votre prestation au festival ODP ?

     

    Je l'espère bienveillant ; je joue en première partie, donc il va falloir conquérir le public, ce que je vais m'employer à faire ! (rires)

     

     

     

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    Emmanuel B. Courau est un féru de mode et d'histoire ; il a lié ses deux passions en créant des costumes d'époque. Penché au-dessus de sa machine à coudre, dans l'atelier qu'il a aménagé à son image, il nous parle de ce milieu particulier qui réunit couturiers, conservateurs de musées et amoureux de crinolines.

     

     

     

     

     

     

     

     

    Peux-tu te présenter ?

     

    Je m'appelle Emmanuel Courau et j'ai 25 ans. Je suis tailleur et costumier, spécialisé dans l'histoire du costume et dans la création du costume d'époque, ainsi que dans ses accessoires : les perruques, les chapeaux, les postiches, corsets, broderies...

     

     

     

     

    D'où t'es venue cette passion pour le costume d'époque ?

     

    En fait tout a commencé pour un Halloween, j'avais 18 ans et je m'étais lancé dans un costume vaguement d'époque. Avant j'étais davantage passionné dans le mobilier d'époque ; ce sont deux intérêts, les costumes et le mobilier, qui sont liés, mais qui ont évolué différemment. Mes cours d'histoire ont joué un rôle très stimulant. Le point commun est de parvenir à créer un environnement cohérent et confortable, une atmosphère, comme le font les collectionneurs. J'ai toujours besoin de planter un décor, par confort et habitude. Chez moi, le mobilier, les porcelaines et les chandeliers sont tous datés entre 1740 et 1830, mais j'aimerais y ajouter des pièces de designers contemporains. Au final, ma passion des antiquités est presque devenue un mode de vie.

     

     

     

     

    Quelles sont tes inspirations ?

     

    Je suis toujours à la recherche de nouvelles gravures, de peintures, de pièces authentiques qui me donneront des idées. Je suis également très inspiré par certains films historiques, par des documentaires. A Paris, le Palais Galliera et le Musée des Arts Décoratifs sont des sources d'influences majeures pour mes costumes ; à Bordeaux, je visite régulièrement les antiquaires pour me donner des idées de mobilier, et de temps en temps le Musée des Arts Décoratifs et du Design.

     

     

     

     

    As-tu déjà hésité entre la création de pièces contemporaines et de costumes d'époque ?

     

    C'est un choix qui se propose toujours à moi, mais le costume tel que j'aime le faire est une niche dans laquelle la concurrence est moindre. Et puis c'est aussi ce que j'aime le plus faire. Je vais moins naturellement vers le contemporain, qui demande d'autres notions mais où la possibilité de création est tout aussi importante.

     

    Quelles techniques utilises-tu pour réaliser tes costumes ?

     

    J'essaye d'employer les mêmes techniques que dans le passé, pour obtenir des rendus similaires ; ces techniques, je les ai apprises en discutant avec des collectionneurs, des conservateurs de musée, des marchands de vêtements anciens, des costumiers... Mais malheureusement le budget des clients ne suit pas toujours ; d'ou l'intérêt de réaliser parfois des costumes plus simples et moins précis dans des matières moins naturelles,  mais j'y ajoute toujours des dentelles et des fourrures d'époque, pour donner un aspect authentique.

     

     

     

     

     

     

     

    Toi et les aficionados du costume d'époque, vous formez une communauté particulière ; comment vous rencontrez-vous ?

     

    Lors d'événements costumés, de rendez-vous, de reconstitutions, suivant la région. Les passionnés dans mon genre sont assez rares, et il n'y a pas de profil-type ; il y a mille et un chemins pour en arriver au costume d'époque. On fonctionne beaucoup au bouche à oreille. Il y a beaucoup à partager, mais peu de connaisseurs. Je remarque tout de même que le costume d'époque intéresse davantage les gens aujourd'hui.

     

     

     

     

    Peux-tu me parler un peu de ces événements costumés auxquels tu te rends souvent ?

     

    Ils sont organisés par des spécialistes de l'événementiel ; ce sont toujours des associations, des châteaux ou des musées qui veulent faire vivre le lieu et le remettre au goût du jour. En général, le XVIIIe siècle est privilégié car c'est un siècle qui fait fantasmer, avec ses Lumières, ses nombreuses découvertes, le film Marie-Antoinette et sa mode accessible. En dehors des événements se tenant dans des lieux publics, certaines associations organisent des reconstitutions ; ce sont des événements plus discrets, plus spécialisés et qui accueillent moins de monde.

     

    Quelle est ton époque préférée et pourquoi ?

     

    J'adore la fin du XVIIIe siècle, pour les raisons que je viens de citer, et puis pour l'élégance de cette période, l'atmosphère à la fois simple et travaillée qu'elle dégage, le paradoxe qu'elle propose, entre pauvreté et raffinement. J'aime aussi beaucoup le XXe, très moderne, où la société était encore enfermée dans un carcan vestimentaire mais où beaucoup de choses ont été créées.

     

     

     

     

    Comment gagne-t-on sa vie dans le milieu du costume d'époque ?

     

    On la gagne. Chacun sa spécialité : costume de théâtre, cabaret, corseter, ou comme d'autres costume d'époque, ou encore tout à la fois ! Ce sont des particuliers qui achètent des costumes d'époque sur-mesure, par passion. Pour une robe dite "à la française" du XVIIIe siècle, comprenant une chemise, un corset, des paniers, une crinoline, deux jupons, une jupe et un corsage, je touche entre 1 000 et 1 500€, selon les matières utilisées et l'ornementation ; mais je vends rarement des pièces complètes, à peu près trois ou quatre fois par an. Le plus souvent, des particuliers m'achètent des corsets et des perruques, ou des robes. 

     

     

     

     

    Parle-moi de l'atelier dans lequel tu travailles...

     

    J'ai d'abord travaillé chez moi pendant un an, mais c'était très fatigant d'avoir sans cesse de la poussière et du tissus dans mon habitat, et c'était difficile de gérer son temps. Je connaissais déjà l'Atelier Lipstick par l'amie d'une de mes collègues d'atelier ; j'ai rencontré l'une des filles qui quittait l'atelier à un vernissage, et j'ai décidé de m'y installer. Trouver un atelier partagé abordable n'est pas chose facile à Bordeaux, donc je n'ai pas hésité trop longtemps.

     

     

     

     

     

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