• Kid Francescoli et Julia Minkin : un duo électrique

     

    Jeudi 18 mai, Kid Francescoli et Julia Minkin, accompagnés d'un batteur, ont joué de leur électro planante, dansante et sensuelle au Krakatoa, à Mérignac. Le duo, un DJ venu de Marseille et une chanteuse née à Chicago, mixe la french touch et la pop américaine avec brio, en toute élégance et simplicité. Ils étaient suivis par leur confrère et producteur, le DJ French 79, qui a achevé de dynamiter le public sur ses rythmes techno.

     

    Rencontre avec Kid Francescoli et Julia Minkin, et avec leur dernier album, Play me again.

     

     

    Kid Francescoli et Julia Minkin : un duo électrique

     

     

    Pouvez-vous vous présenter respectivement : qui êtes-vous, d'où venez-vous et comment en êtes-vous venu à la musique ?

     

    Kid Francescoli : Je m'appelle Matthieu Hocine, je suis né à Marseille mais j'ai longtemps vécu à Paris. J'ai découvert la musique au lycée, en autodidacte, en écoutant les disques de Nirvana, de Queen... Play me again, c'est mon quatrième album en tant que Kid Francescoli et mon deuxième avec Julia. Je fais aussi partie des groupes Osbourne et Tiger Moutain.

     

    Julia Minkin : Je m'appelle Julia, et je viens de Chicago. Je jouais de la harpe quand j'étais petite, j'ai découvert la musique comme ça, et j'ai aussi fait partie d'une chorale ; c'est un peu par hasard si je vis maintenant de la musique à Marseille.

     

    Quelles sont vos inspirations respectives ?

     

    Kid Francescoli : Je suis inspiré par la musique, en général ; par une nouvelle compil, par ce que je découvre sur Internet... Même si les thèmes de ma musique sont basés sur des expériences de vie, des rencontres, pour composer je vais chercher mes inspirations dans la musique.

     

    Julia Minkin : Je suis inspirée par beaucoup de musiques différentes, même si ce sont souvent des chanteuses à voix, avec des paroles qui touchent. Je lis aussi énormément de poésie, des poètes américains... J'ai essayé de lire des poèmes en français, mais je n'ai rien compris (rires) ! Un jour, quelqu'un m'a mis un poème de Rimbaud entre les mains, mais je ne maîtrise pas encore assez bien le français...

     

     

     

     

     

    Matthieu, vous venez de Marseille, et quand vous avez commencé la musique l'ambiance y était plus rap qu'électro-pop. Avez-vous eu le sentiment d'être à contre-courant musicalement parlant à cette époque dans votre ville ?

     

    Kid Francescoli : Pas à contre-courant, mais c'est vrai qu'à l'époque je jouais de la pop folk, et, bon, je ne le criais pas sous tous les toits... (rires) Mais il n'y avait pas d'opposition à proprement parler. Moi-même j'ai intégré le rap assez vite, en tant qu'ingé-son j'ai notamment fait une compil en studio du groupe mythique de Marseille Funky Family et j'ai beaucoup appris auprès d'eux.

     

    Qu'est-ce qui vous a donné envie de passer de l'autre côté des lumières, de monter sur la scène en tant qu'artiste au lieu d'être ingé-son ?

     

    Kid Francescoli : J'ai toujours voulu être musicien, et il m'a semblé qu'avoir une formation précaire était le moyen le plus sûr pour produire en studio et ensuite revenir au rêve de départ. J'ai été inspiré par plusieurs producteurs, dont les Beach Boys, et je me suis lancé dans le live – alors que quand j'étais ingé-son, je trouvais que live était terriblement stressant.

     

     

    Kid Francescoli et Julia Minkin : un duo électrique

     

     

    Julia, dans Play me again, une chanson est en français, Les Vitrines. Est-ce que vous avez travaillé sur ce texte de la même façon que sur vos textes en anglais ? Qu'est-ce qui change, quand on chante dans une autre langue ?

     

    Julia Minkin : J'aime beaucoup le texte de Les Vitrines, je le trouve classe, et il est facile à comprendre. Mais je remarque qu'en français, j'ai une voix différente, plus nasillarde, le français est, comment on dit... ? Plus bas. Ça me demande plus de travail pour m'approprier une chanson en français, peut-être parce que je réfléchis trop quand je chante.

     

    Kid Francescoli : Alors que moi, c'est le contraire, je ne réfléchis pas quand je chante ! Et pour le coup, c'est quatre vingt dix neuf pour cents de l'album que je dois chanter en langue étrangère... Mais c'est clair que je me sens beaucoup plus à l'aise quand je chante en français, je n'ai pas à penser à l'accentuation, à la prononciation en même temps qu'à la rythmique...

     

     

     

     

    C'est assez difficile de catégoriser votre musique, on a dit que vous jouiez de l'électro-pop, de la « folktronica », de la « musique relationnelle »... Comment qualiferiez-vous votre musique ?

     

    Kid Francescoli : Je sais pas... « Pop », ça me semble bien, c'est un terme simple pour une musique simple. Je trouve ça absurde, cette complexification des catégories musicales, pour moi les Strokes ça reste de la pop. Mais au fond je pense que ce n'est pas forcément à nous de nous qualifier.

     

    Julia Minkin : Je n'ai rien à ajouter, quand on me demande je réponds que je fais de l'électro-pop.

     

    Matthieu, comment travaillez-vous ?

     

    Kid Francescoli : Je travaille avec Ableton Live et un peu de synthé analogique et un Mellotron, c'est un vieux sampler que les Beattles ou le groupe Air ont beaucoup utilisé, donc toute la pop que j'aime et qui m'inspire... J'essaye toujours de partir de quelque chose d'existant, que ce soit une rythmique, une ligne de basse, pour m'appuyer dessus et créer autre chose. J'enregistre une idée au moins une fois par jour, que ce soit un couplet ou juste un son. On utilise aussi un peu d'acoustique, surtout des guitares, des percussions et de la voix, et un peu de batterie, pour donner un côté « humain ».

     

     

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    Et comment travaillez-vous ensemble ? Avez-vous travaillé à distance, comme vous l'avez fait une période pour l'album With Julia ?

     

    Kid Francescoli : Julia est venue vivre à Marseille pour qu'on ait davantage de proximité, mais on travaille encore énormément chacun de notre côté, à part pour les enregistrements où on se donne des conseils. Sinon on compose chacun chez soi. J'ai besoin d'intimité pour composer ; en studio on est souvent avec beaucoup de monde, et c'est génial, mais il me faut de l'intimité pour créer, parce que... quand on crée, on essaye pleins de trucs et évidemment, il y a des ratés, que je préfère garder pour moi.

     

    Julia Minkin : Oui, je suis pareille, je préfère avoir de l'intimité pour me concentrer sur mes textes.

     

    Est-ce que ça a été difficile de faire collaborer un DJ et une chanteuse sur un style électronique qui s'entend souvent sans paroles ?

     

    Kid Francescoli : Je pense justement qu'il ne faut pas se cantonner à un style ; ajouter une voix permettait davantage de naturel, et de mélanger les genres. J'aime avoir l'impression de trouver ce qui n'a pas été fait, même si en soi presque tout a déjà été fait... J'imagine un mélange entre les Pachanga Boys et Billie Holiday, et ça me donne l'étincelle pour composer.

     

    Julia Minkin : Personnellement je n'avais pas beaucoup d'expérience, donc je n'ai pas été bloquée par la musique électro... Mais c'est vrai que c'est limitant pour les paroles, parce qu'on doit composer un texte qui fonctionne avec une mélodie en huit temps... C'est plus facile de composer pour du jazz, par exemple.

     

    Matthieu, vous disiez que dans la musique, presque tout a déjà été inventé ; vous pensez qu'il y a une fin à la création musicale ? Qu'on arrive à un stade où « tout a déjà été fait » ?

     

    Kid Francescoli : Il y a toujours à inventer, l'expérimentation est toujours possible, mais souvent je sais d'où vient la source de ce que je compose... Personnellement je sais que je fais de la musique de fan de musique ; je sais toujours d'où vient l'influence. Après il y a des génies, comme Franck Ocean, qui réussissent des choses incroyables et improbables, et qui prouvent que tout n'a pas été inventé ; mais la musique n'est pas infinie, il y a un nombre limité de notes.

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    Votre précédent album racontait une histoire, votre histoire, avec un début, un milieu et une fin ; vos clips aussi racontaient une histoire, avec un très beau travail cinématographique. Est-ce que pour Play me again, vous allez à nouveau nous raconter une histoire ?

     

    Kid Francescoli : Oui, et même plus que dans le précédent album. Les paroles de Play me again sont peut-être encore plus chargées en récit. Au final, l'album With Julia était très honnête, mais l'histoire s'est faite autour de la musique, parce qu'il y avait très peu de parole.

     

    Julia Minkin : Oui, et puis c'est amusant de voir des fois comment les gens interprètent nos musiques... Par exemple la chanson Disco Queen ne parle pas de moi, on voulait faire une chanson sur les gens qui croient tout savoir. Mais les mots font l'histoire, et les gens se l'approprient ensuite, et il en va de même avec une ligne d'accords...

     

    Kid Francescoli : Oui, une musique que je trouve triste peu sembler joyeuse à une autre personne... C'est très subjectif, la musique, et ce qu'elle raconte. Mais de manière général notre dernier album est plus cohérent, déjà parce que les morceaux ont tous été écrits au même moment, et puis parce qu'il y a davantage de thèmes communs... Il raconte une autre histoire : tandis que dans With Julia on racontait un peu ma découverte des Etats-Unis, là on redécouvre la France par les yeux de Julia, une américaine... Les paroles sont plus abouties, plus nombreuses.

     

     

     

     

     

    Est-ce que vous comptez à nouveau déployer cet effort cinématographique pour le second album ?

     

    Kid Francescoli : Non, ce sera moins cinématographique. Le clip de La Vitrine, qui est déjà sorti, est justement à contre-courant de ce qu'on a fait avant, pour éviter la redondance. Ce ne seront pas les mêmes réalisateurs que pour nos clips précédents, et ce sera dans un style plus graphique.

     

    Votre groupe a pas mal évolué : vous jouiez au début (2013) avec trois autres musiciens, dont la chanteuse Laetitia, puis avec Julia et les membres du groupe Tiger Mountain et Nasser... Aujourd'hui, avec qui travaillez-vous ?

     

    Kid Francescoli : Avec Tiger Moutain on est dans une relation de conseil, je leur demande leur avis... Pareil avec nos potes de studio, qui sont toujours de bons conseils. Il y a aussi Simon, bien sûr, de French77, qui joue après nous ce soir ; il a produit nos deux derniers album, et c'est celui qui reste le plus tard au studio... (rires) Je pense que je lui ai demandé conseil tous les jours ces quatre dernières années. Quand on passe toute la journée sur une mélodie, une rythmique, un avis extérieur permet toujours de prendre du recul. Je fais écouter mes morceaux à des potes à moi qui sont dans la musique, mais aussi à des amis qui ne sont pas musiciens, ça permet de replacer un peu mes compos dans le paysage musical actuel.

     

    Julia Minkin : Je demande l'avis de mes proches selon le projet sur lequel je travaille. Matthieu a une bonne oreille, mais pour avoir un avis sur les sonorités anglophones, je demande plutôt à ma sœur, Emily, qui est écrivaine.

     

     

    Kid Francescoli et Julia Minkin : un duo électrique

     

     

    Quelle différence entre le public des Etats-Unis et le public français remarquez-vous ?

     

    Kid Francescoli : J'ai fait seulement quelques concerts aux Etats-Unis, et c'était des petits trucs, des cafés-concerts, ce genre de chose ; j'avais emmené vraiment le minimum de matériel pour pouvoir jouer là-bas. Mais j'ai joué dans plusieurs pays, et j'ai pu remarqué que quand tu es étranger, tu attises la curiosité, on est super bien accueilli ; alors qu'en France... comme on dit, « nul n'est prophète en son pays ». Mais tu vois, une fois par exemple, on jouait dans un festival en Afrique du Sud où il y avait énormément de ragga, beaucoup de percu, et on se demandait comment s'en sortir avec notre simplicité rythmique ; mais au final le public était ravi, les gens nous disaient qu'on avait la « french touch ». On a de la chance, il y a pleins de pays qui n'ont pas cette aura, on peut remercier les précurseurs pour cette renommée.

     

    Julia Minkin : Avant de chanter avec Matthieu, la musique était pour moi plus un hobby qu'autre chose. Mais je dirais quand même qu'aux Etats-Unis le public est plus fou ; bon, c'est un énorme pays, mais culturellement les américains font plus de bruit, ils dansent plus.

     

    Kid Francescoli : Oui, c'est vrai, les français ne bougent pas trop, ils sont moins expressifs. C'est typiquement français, au début je me demandais pourquoi, et après j'ai réalisé que moi aussi, pendant un concert, même si la musique est super, je bougerais seulement la tête (rires).

     

    Si vous deviez me parler d'un seul concert, lequel choisiriez-vous ?

     

    Kid Francescoli : Fabien Berger à Mars Attack l'an dernier. Je l'ai trouvé attachant, talentueux, et il avait la communication parfaite avec le public.

     

    Julia Minkin : C'est un peu triste mais je n'ai pas vu beaucoup de concerts récemment, alors que je fais quand même ce métier par amour de la musique (rires). Mais je dirais que c'était le concert de The Do, il y a plus d'un an ; c'était la deuxième fois que je les voyais et c'était juste parfait, sans imperfection, vraiment. Même si la chanteuse a un peu un personnage de folle, elle a une voix parfaite.

     

     

    Kid Francescoli et Julia Minkin : un duo électrique

     

     

    Quels sont vos projets futurs respectifs ?

     

    Kid Francescoli : Déjà, pousser cette tournée le plus loin et le plus longtemps possible. J'aimerais faire une année en France, et après jouer dans les pays limitrophes, voire plus... Et je participerai peut-être, ce n'est pas encore sûr, au prochain album d'Osbourne.

     

    Julia Minkin : De même, j'espère une longue vie à l'album. Même si mon visa expire bientôt (rires), j'espère pouvoir continuer à écrire et chanter en France ; je ne veux pas forcément m'expatrier pour toujours, mais c'est vrai que je n'ai pas trop envie de rentrer maintenant, par rapport à l'élection de Donald Trump... Je me sens un peu traître en un sens, parce que je vois tous les gens autour de moi qui s'engagent, et moi je fuis... Mais un jour peut-être que j'exprimerai ça dans une chanson.

     

     

    Kid Francescoli et Julia Minkin : un duo électrique

     

     

    Par Sarah Perrin et Adrien Bazoin

     

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  • Commentaires

    1
    electrofan
    Samedi 20 Mai 2017 à 12:44

    Trop cool ! Super interview, j'écoute le groupe depuis un bail et ça fait plaisir de les voir s'exprimer comme ça :)

    2
    Théo
    Samedi 20 Mai 2017 à 12:45

    Cool job :)

    3
    Laurent
    Samedi 20 Mai 2017 à 18:31
    La çhanteuse des Doors ?
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    4
    Marion
    Mercredi 31 Mai 2017 à 13:15

    De la frappe cet article ! J'adore l'artiste et j'étais au concert

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