• Leo Codh, tatoueuse à Bones Land Tattoos : "La modification corporelle est inhérente à l'histoire humaine"

     

    Leo Cohd exerce dans son salon Bones Land Tattoos (283 Cours de la Somme, 33 800 Bordeaux). Elle est spécialisée dans le tatouage nordique. Elle nous raconte son parcours, sa technique et son approche du tatouage.

     

     

     

    Leo Codh, tatoueuse à Bones Land Tattoos : "La modification corporelle est inhérente à l'histoire humaine"

     

     

     

    Comment t’es-tu dirigé vers le tatouage ?

    J’ai commencé par faire une école de cinéma d’animation, je ne me destinais pas du tout au tatouage. Cette école coûtait cher, et il a fallu que je travaille directement après pour pouvoir la rembourser. J’ai fait beaucoup de rencontres, notamment le père de mon mari, tatoueur depuis 25 ans, et un ami à moi, qui tatoue à l’étranger et qui a cru énormément en moi. Il m’a poussé, m’a fait découvrir cet art. J’ai découvert donc le milieu du tatouage par des gens passionnés, par le biais de la mythologie et de l’imagerie nordique notamment.

     

    Comment décrirais-tu ton style, notamment par rapport à la mythologie nordique ?

    Je travaille sur deux choses principalement : de l'illustration et de la mythologie nordique. L'illustration, ça vient directement de mon école de cinéma d’animation. Je fais pas mal de chara-design, de personnages relativement complexes en niveaux de gris. La mythologie nordique, c’est plus de l’historique: j’ai toujours été férue d’histoire, mon père était spécialiste du Magdalénien, une période de la préhistoire. Il y a des tatoueurs qui travaillent avec des chercheurs, à partir d’iconographies très anciennes, et qui font du tatouage nordique qui reprend l’esprit des peuples scandinaves de la période viking, avec ce qu’on pense être le plus proche de ce qu’on pense être la tradition viking de l’époque. C’est très précis, très codifié et très ritualisé dans la pratique

     

     

     

    Leo Codh, tatoueuse à Bones Land Tattoos : "La modification corporelle est inhérente à l'histoire humaine"

     

     

     

    Comment as-tu choisi ton nom de tatoueuse ?

    Le salon s’appelle Bones Land Tattoos, en hommage à tout cet héritage pariétal, à l’archéologie, avec les os. Et Léo Codh, mon nom de tatoueuse, c’est lié aux premières esquisses de bouquin que j’avais écrit quand je faisais du Kare Design, c’était l’anagramme des premiers jets que j’avais écrit, quand j’étais toute jeune. Je signe avec ce nom depuis que j’ai 13 ans je crois, donc ça va bientôt faire 17 ans

     

     

     

    Leo Cohd, tatoueuse à Bones Land Tattoos : "La modification corporelle est inhérente à l'histoire humaine"

     

     

     

    Quel était ton premier tatouage et comment s’est-il déroulé ? 

    C’était sur un de mes meilleurs amis, en salon, et c’était un tatouage fait en surveillance par mon maître d’apprentissage : il a commencé, j’ai continué. Ça faisait déjà six mois que je tatouais sur de la peau synthétique, on m’a pas laissé tatouer avant que mes traits et mes gris ne soient impeccables. Ça s’est très bien passé, le tatouage n’a pas bougé, il a été fait avec des techniques traditionnelles de tatouage old school. J’avais un peu peur de faire souffrir mon ami, et j’étais assez impressionnée par ce rite de passage qu’est le premier tatouage. Ça s’est fait en 3-4 heures, j’ai pu toucher à tout, c’était une très bonne expérience.

     

    Comment expliques-tu la popularité actuelle des tatouages ?

    Alors, le tatouage avait quasiment disparu en Europe des couches qui n’étaient pas les outcasts de la société, pendant 400 ans, à partir du moment où la chrétienté est arrivée en Europe. Historiquement, les peuples d’Europe étaient tatoués, avec les méthodes traditionnelles celtes ou nordiques ; ils avaient des piercings, des ornements corporels. La modification corporelle est inhérente à l’histoire humaine : on retrouve des crânes datant de 40 000 ans avec des trépanations rituelles cicatrisées, des modifications sur les dents faites sur des personnes vivantes, les momies égyptiennes étaient tatouées… L’humain a toujours voulu modifier son apparence : à Versailles, les courtisanes se cassaient des côtes avec les corsets, portaient des boucles d’oreille, mettaient du blanc de Céruse qui leur creusait la peau. Maintenant, grâce notamment à des gens comme Jean-Paul Gauthier qui ont sorti le tatouage de sa strate underground, les gens ont compris que le tatouage était un média d’expression et un art. Ce n’est pas une mode, je dirais plutôt que c’est de nouveau possible pour les populations de se faire tatouer sans subir de gros stigma. Ça redevient normal, plus que ça ne devient populaire. Et puis, dans notre société pluri-culturelle on a un tel besoin d’appartenance, avec le développement des réseaux sociaux, le fait qu’on est un peu noyé dans une masse... Le tatouage sert à la fois de signe distinctif et de signe d’appartenance, et c’est mis en avant par des célébrités, les média, etc.

     

     

     

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    As-tu déjà refusé certaines demandes, et pourquoi ?

    Les tatouages du prénom du conjoint ou de la conjointe, jamais, car ce sont les tatouages qu’on me demande le plus de recouvrir. Ensuite, les tatouages sur le visage ou les mains pour les personnes qui sont pas ou peu tatouées, parce que ça reste encore quelque chose de mal vu socialement, surtout en France. On ne m’a jamais demandé, mais je refuse aussi les symboles extrémistes.

     

     

     

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    Quel est le tatouage dont tu es la plus fière ?

    Il n’y en a pas vraiment… Je tatoue parce que fondamentalement, j’aime ça, parce que ce métier me permet de donner de moi-même aux autres d’une manière qui va les marquer toute leur vie. Certains tatouages ont été difficiles ou longs, mais dans 95% des cas j’aime tatouer, j’aime la pratique, le fait de m’asseoir avec une personne, d’échanger avec elle… J’ai pas de pièce qui ressort, je suis ravie de pouvoir exercer, quelle que soit la demande. Le fait de me dire que la personne emporte son tatouage dans la tombe, même si ce n’est qu’une petite lettre, ça satisfait intégralement mon ego. J’aime bien sur repousser mes limites, mais j’ai pas de chose qui ressort particulièrement.

     

     

     

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    Comment travailles-tu ?

    En général les gens ont une idée précise d’un dessin, et je vais rester dans cette ligne graphique. Ou alors les gens viennent avec seulement une idée, et attendent que je fasse un dessin. Dans le cas du tatouage nordique, il y a une grande pratique autour du chamanisme : la personne vient, parle de ce qu’elle a vécu et désire le transcrire à la manière des anciens nordiques. La personne peut aussi demander à ce que je reproduise telle rune, parce que je connais sa signification et que je peux le faire de manière ritualisée, proche de la tradition. L’essentiel c’est de discuter avec le client pour cerner son besoin, et obtenir un maximum de satisfaction en un minimum de temps. Dans le cas des tatouages nordiques, il faut vraiment que la personne me fasse confiance. Je pratique, si le client le souhaite, le hand-poke, la méthode traditionnelle sans machine, j’utilise une aiguille stérile sur un stylet que tu vas planter toi-même manuellement.

     

    Trois tatoueurs ou tatoueuses qui t’inspirent ?

    Kai Uwe Faust, c’est un ami que j’ai rencontré par hasard, c’est lui qui m’a poussé dans le tatouage. C’est la personne que je respecte le plus dans le monde du tatouage, et qui est à mon sens la plus honorables et respectable en termes de sagesse et de recul dans ce métier. C’est le spécialiste international du tatouage nordique. Ensuite, j’ai un respect dingue pour ce que fait @gghost-tattooer, c’est un Coréen, je connais seulement son Instagram, et en termes de technique il a réussi à pousser les choses très loin. Il y a aussi Vavanemo, dans le tatouage c’est ma meilleure amie, elle tatoue en Australie en ce moment, on parle énormément d’art au quotidien. Pour moi c’est une vraie génie. Et puis je dois citer @alicemackerel, ma collègue que j’ai formée, et @Tonilou qui travaille à Tétrodon, spécialiste dans le recouvrement de cicatrice mammaire, à fond dans la couleur pure, elle fait des choses magnifiques et est invitée à participer au mondial du tatouage.

     

     

     

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    Est-ce qu’un tatoueur ou une tatoueuse se tatoue elle-même ?

    Je me suis tatouée. C’est long et chiant, j’ai testé sur moi avant de faire mon premier tatouage sur quelqu’un d’autre. C’est un genre de rite de passage pour la jeune génération. C’est très désagréable, c’est pas vraiment une histoire de douleur, le problème c’est que le corps gère la douleur en fond, la position très désagréable, et surtout la concentration. C’est épuisant, mais je l’ai fait. Je voulais tester ma technique, et puis ces tatouages faits par moi sur moi ont une valeur spirituelle, je ne les regrette absolument pas. Au final je connais peu de tatoueurs qui ne se sont pas tatoués.

     

     

     

    Tarifs : 70-80 euros pour une sortie d’aiguille / journée (11h30-19h) : 350-400 euros (en fonction de la pièce et de la technique)

     

     

     

     

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