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No One Is Innocent : "Les salles n'ont jamais été aussi pleines"
No One Is Innocent, c'est un groupe de rock et de heavy metal français formé par Kemar, Shanka, Poppy, Bertrand Dessoliers et Gaël Chosson. Depuis vingt ans, ils comblent nos oreilles de paroles engagées et de riffs de guitare. Rencontre avec ceux qui chantent "A l'Occident les mêmes erreurs ; Tripoli, Damas après Badgad ; voilà le chef d'oeuvre du créateur".
Comment s’est formé le groupe ?
Le groupe s’est formé en 94, à Paris. Il a fait partie de toute la vague rock fusion de l’époque ; le groupe a vite été estampillé Rage Against The Machine à la française, là où avec le recul nous sommes un groupe qui a plutôt une racine musicale très punk, comme les Stooges.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
On est à la fois inspiré par des groupes récents qu’on découvre et qui nous inspirent, comme Pogo Car Crash Control, autant que par des groupes historiques comme Black Sabbath, les Stooges, Rage Against The Machines, Beasty Boy…
Vous avez sorti votre album Propaganda en 2015 : pourquoi ce titre, et quel est le message que vous voulez transmettre ?
Propaganda, c’est un album qui marque vraiment un tournant musical dans le groupe, on est revenu à quelque chose de très rock et brut de décoffrage, donc il fallait un titre fort, presque un slogan. Fallait quelque chose qui aille avec la musique, car les thèmes des textes sont toujours inspirés par la société dans laquelle on vit. C’est pas un regard de donneur de leçon, ni un regard politisé, c’est juste un regard qui se veut humaniste et sans prétention. On s’inspire de nos colères quotidiennes. Pour Propaganda, on a été choqué par le développement des nouvelles manières de désinformer, avec tout le phénomène des fake news.
Justement, vous avez fait des chansons sur plein de thèmes d’actualité : des élections, le djihad, le terrorisme…
Oui, et ça a été très fort parce qu’on s’est retrouvé à défendre l’album sur scène après les attentats de Charlie Hebdo, et pendant la tournée ont eu lieu les attentats du Bataclan. Il s’est passé quelque chose de très étrange à ce moment-là, et ça a beaucoup marqué notre esprit collectif, puisqu’il y a clairement un avant et un après attentats du Bataclan. Avant, des mauvaises langues nous traitaient de démago, après on est passé au statut de groupe prophétique, avec des sons comme Djihad Propaganda. On a vraiment senti un gros tournant quant aux regards porté sur nous. Malheureusement, l’actualité nous a donné raison ; quelque chose a eu lieu dans le rapport du public au groupe, il y avait une attente folle de la part des spectateurs.
Vous pourriez écrire des textes sans aucun rapport avec l’actualité ?
Ça a été le cas. Après encore une fois, il y a une imbrication entre la musique et les thèmes, et vu la voix de Kemar, son énergie sur scène, il faut réfléchir à une cohérence des set lists. Il y a des répertoire dans notre groupe des textes sur l’amour, par exemple, mais c’est compliqué de les insérer. Les gens viennent de plus en plus pour se prendre une décharge d’énergie. Ça dépend des périodes.
Est-ce que vous vous êtes toujours senti libre d’écrire et de jouer la musique que vous vouliez ? Il n’y a jamais eu de pression ?
Des maisons de disque, jamais ; on s’est jamais laissé bouffer, on a toujours eu une indépendance totale au niveau de la création. Mais là par exemple on a fait un titre qui parle à mots couverts de Trump, et on a galéré pour en faire la promo ; il est passé sur les télévisions françaises, mais sur YouTube, Facebook, ça a été très compliqué. On pouvait pas sponsoriser le lien, parce que dans le titre il y a le mot « fuck », et en plus maintenant ils ont des algorithmes qui analysent l’audio, et par exemple le mot « WTF » est interdit par Facebook. Tu es mis à la corbeille, les gens ne vont pas voir le lien ; et YouTube, pareil ! C’est devenu très pernicieux la censure, car ce n’est pas le système classique de la télé française où un programmateur valide, et où le CSA gère les problèmes. Non, là c’est un réseau social privé qui détermine ce qu’on n’a pas le droit de dire.
Vous n’avez jamais reçu de messages de haine, de menaces…?
Si, il y a eu une petite opération de la fachosphère qui n’a pas duré longtemps puisqu’on connaissait la parade, on effaçait systématiquement les messages. Mais y a eu des trucs drôles : un mec qui a traité Kemar de « lèche-babouches »… Ils sont créatifs ces gens là ! (rires) Ce sont des faux comptes avec trois mecs derrière qui bombardent de commentaires, on les efface et ils se lassent. Mais c’est plus les années 90 où Kemar a pu avoir sa porte fracassée par des skin heads.
Clairement. Et est-ce que vous pensez que c’est plus difficile de faire de la musique engagée aujourd’hui qu’il y a 20 ans, au début du groupe ?
C’est une bonne question. Dès que tu veux présenter ta musique au public aujourd’hui, tu as plusieurs problématiques : déjà la crise industrielle du disque, parce qu’il y a eu transfert de pouvoir des artistes vers les maisons de disque. Les artistes signent des contrats moins avantageux, et disparaissent dès qu’ils ne marchent plus. La promotion a aussi changé : les programmes radio se sont transformés, on a de la chance car on chante en français donc ça facilite les choses mais il y a aussi une histoire de mode. Le rock, ça ne passe plus à la radio. Donc nous on remplit les salles depuis 5 ans sans aucun média, en fait, à part des radio associatives. On compte uniquement sur le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux, mais on y trouve aussi de la censure. C’est le puritanisme américain qui s’immisce dans la société française, et ça fait bizarre. Donc je dirais au final que c’est différent, parce qu’en même temps les salles n’ont jamais été aussi pleines pour le groupe, et c’est ça le plus important. A la Rock School, on fait 500 personnes, et c’est super motivant : on voit qu’on a un rôle à jouer dans la société, autre que poster des vidéos et compter des likes.
Tant mieux pour vous ! Comment vous abordez votre prestation à la Rock School ?
Très bien, c’est peut-être la quatrième fois qu’on joue ici. On l’aborde comme tous les concerts, en faisant comme si c’était le dernier. Ça peut paraître grandiloquent, mais on essaie vraiment de toujours faire des concerts originaux ; on joue une liste de morceaux, OK, mais on s’implique physiquement et mentalement. Il faut qu’il se passe quelque chose. C’est hyper addictif, on est à fond dans la performance scénique. Ce groupe c’est un rouleau compresseur, il y a des réactions en chaîne qui font que ça pète direct ! On se donne à fond, c’est l’essence de ce projet musical. On recherche presque la transe, on se subjugue, on se dépasse. Tu peux pas voir la musique autrement quand t’as connu ça, ce côté extatique, combattif.
Pour finir, quels sont vos projets ?
On refait des concerts l’année prochaine, plusieurs dates ont déjà été annoncées dont le Hell Fest. En plus de ça, on va quasiment tous participer au Bal des Enragés : plusieurs groupes se rassemblent, il y a 16 personnes sur scène, et on fait que des reprises de rock. On va aussi au Hell Fest avec ce projet-là, et dans quelques festivals : on fête les 10 ans du projet, et on fait 10 dates. On va aussi commencer à écrire le nouvel album au premier trimestre vu qu’on ne tourne pas, ce sera l’occasion de se poser et de se mettre à bosser dessus !
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