• "Quelle chance, je n'ai pas été violée" : réaction à un fatalisme généralisé

     

    Suite aux débats générés par le mouvement #MeToo, Mathilde Piriou-Guillaume, étudiante à Sciences Po Bordeaux, a souhaité réagir. Nous lui avons donné la parole : il n'y a pas que les femmes médiatiques qui peuvent et qui doivent s'exprimer.


    La tribune pour revendiquer et défendre le « droit d’importuner » publiée dans Le Monde il y a quelques jours m’a interpelée. Pour me confronter à d’autres avis que le mien, j’ai décidé de lire les commentaires Facebook de publications réagissant à cette tribune, et l’un d’entre eux m’a interloquée. Il commençait par : « J’ai la chance de ne pas avoir été violée […] ». Cette phrase m’a laissée sans voix. Je ne m’attendais pas à lire les vocables « chance » et « violée » si proche l’un de l’autre.

     

     

     

     


    Après la stupeur, les tremblements. J’ai réalisé que pour beaucoup de femmes, c’est une chance de ne pas avoir été violée, presque un privilège que nous devrions chérir tant il est menacé à tout moment, à tout coin de rue. J’avoue que la chance est un terme qui m’évoque plus le gain et le bonheur que la négation. Pourtant, les chances "non violée" seraient en fait des femmes chanceuses.

     

     

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    Dans la mesure où la chance est rapportée au hasard, cela s’entend. Tout le monde – homme comme femme - peut être victime de viol ; et si bien sûr certaines catégories de la population sont plus menacées, le risque-zéro n’existe pour personne. J’ai employé le terme de risque, nous sommes donc en plein dans les probabilités. Je tiens néanmoins à rappeler les statistiques, qui elles attestent des faits, du concret : en France, les estimations sont de 206 viols par jour. En d’autres termes, toutes les 40 minutes, une personne de moins peut se targuer de ne pas avoir été violée.

     

     

     

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    Il est évident qu’en écrivant son commentaire, cette femme ne pensait pas à la chance au sens d’évènement heureux. Mais, à mon sens, cette formulation traduit bien l’angoisse constante et le risque quotidien auxquels sont confrontées les femmes. Je ne pense pas parler en mon seul nom lorsque je déclare être soulagée d’être rentrée chez moi sans encombre lorsque je suis sortie un peu tard. Et pourtant, j’estime que je ne devrais pas y penser, que ça devrait être ça la norme.


    La société du risque ; quelle est notre tolérance face à celui-ci ? Pourquoi devons-nous, particulièrement en France en 2018, s’estimer heureuses de n’avoir jamais été violée, de n’avoir jamais vécu cette horreur, subi ce crime ? D’autant qu’en théorie, l’illégalité du viol devrait impliquer sa disparition. Toutefois, pour ce faire, il faudrait que ce crime soit réellement combattu et puni. Mais c’est un autre débat.

     

     

                                                                                                 Source : L'Actualité en Dessin

     

     

     

    Par Mathilde Piriou-Guillaume

     

     

     

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